dimanche 23 février 2020

Rabu-dôru


Dojo Shidokan.



Rabu-dôru.


La poupée féminine en silicone, version grand luxe de la poupée gonflable américaine. De nombreux hommes japonais vivent de véritables relations sentimentales avec leur poupée à parfaite reproduction humaine grandeur nature. Elles deviennent de réelles compagnes, surtout chez les veufs. Les hommes solitaires, mais aussi mariés, investissent des sommes qui peuvent dépasser les cinq mille euros pour se procurer ces amitiés silencieuses inanimées. Ils les couvrent de beaux vêtements, de vrais bijoux, les emmènent au restaurant. Cette passion est affichée au grand jour sans crainte du ridicule. Familles et épouses doivent ainsi parfois se soumettre aux passions infantiles de leurs amoureux propriétaires.

Déjà au 17e siècle des seigneurs commandaient des poupées à l'image de leur bien aimée défunte à d'habiles artisans. La bien aimée en question n'était pas vraiment une épouse mais plutôt une maîtresse ou prostituée favorite dont on voulait maintenir le souvenir visuel et l'affection. L'artisan était très probablement fabricant de marionnette Iki-Ningyo du théâtre Bunraku dont la poupée Joruri qui représente une jolie femme de la taille d'une fille de dix ans, reproduit de manière impressionnante de réalisme les parties visibles du corps hors vêtements et chapeaux. Le visage est savamment maquillé avec vrais cheveux en chignon, les mains et pieds paraissent vraiment authentiques. Habillée de fabuleux vêtements, la marionnette animée provoque d'émouvantes sensations pouvant faire pleurer ou tomber amoureux le spectateur grâce aussi à l'habileté de leur manipulateur.

Objet extrêmement ressemblant de l'humain, Rabu-dôru a la capacité de faire parfaite illusion à la vue et au toucher. L'aspect enfantin du visage et du corps de la poupée démontre aussi une certaine désinvolture du propriétaire mâle face aux responsabilités, peut être aussi un désir d'immortalité, mais pas vraiment un besoin de relations pédophiles. Il s'agit plus d'un besoin d'échange et d'affection que de nécessité sexuelle. Le côté faible et immature de l'apparence rappelle au possesseur sa propre impuissance à posséder une femme mûre. La crainte du flétrissement de son désir, de son apparence ou des sentiments et le désir d'immortalité sont typiques de l'homme oriental.

Des poupées japonaises animées par des robots sont déjà en projet pour les très riches fans de Rabu-dôru. Les excès de rigidité de la société japonaise ne sont pas prêts de s'éteindre, comme le marché florissant des onéreuses compensations faciles. Le commerce des Rabu-dôru a encore de beaux jours en perspective.

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