jeudi 24 mai 2018

Chabaud senseï




Comprendre les choses est absolument nécessaire,
mais est-ce suffisant ?

Il y a toujours trois cerveaux en nous et la compréhension intellectuelle n'en concerne
qu'un... Celui-ci fonctionne rapidement mais a-t-il un impact immédiat sur les autres ?
Quand on voit comment il est difficile de corriger un geste simple comme “ Honte, le premier kihon du sete jo ” , alors qu' il a été répété un grand nombre de fois qu'il faut avoir la main devant le centre .... Comment expliquer une telle réticence ? Est-ce que nous sommes tous fous ou stupides, rigides ou ..... Pourquoi est-ce si difficile de changer notre façon de faire ? Pourquoi cela touche-t-il tous les individus et prend autant de temps, alors même que la personne peut être de bonne foi ? Je trouve cela intéressant à plusieurs titres. Tout d'abord car ça touche le problème de l'apprentissage, de la transmission, de
la confiance en soi et celle donnée à l'enseignant. J'ai cherché dans les méthodes scientifiques modernes et voilà ce que j'ai pu trouver.
- 1ère étape : Le choc de l'observation.
J'explique donc la façon de bien faire “ honte ” et on compare alors avec la façon de le faire habituellement. On croyait le faire correctement et force est de constater que non.
Constat = choc
Souvent on s'arrête là. On ne veut pas voir ou observer même le nez devant les vidéos, on ne voit pas l'évidence. Peut-être même que l'évidence n'est pas visible à ce stade de compréhension ?
- 2e étape : Le déni.
On se dit que c'est une façon d'expliquer, une méthode pédagogique, un exercice pour faire comprendre mais qu'en fait ce n'est pas comme ça qu'il faut faire... le prof exagère pour faire comprendre autre chose. Il y a des réflexion du genre : c'est un éducatif, c'est pas tout à fait ce qu'il faut faire au final.
Ce n'est pas possible !
On n'y croit pas. L’intellect invente toute une stratégie comme s'il voulait "protéger" les 2 autres cerveaux. L’intellect est-il conçu comme un garde fou, une sorte de filtre pour ne pas trop impacter les émotions (mammalien ) et les réflexes de survie (reptilien ) ?
- 3e étape : la colère.
J'insiste, je reviens sur la main devant le centre. Mais Il y a un refus du genre : pas tous les Sensei font comme ça ! Pourquoi lui aurait il raison ? C'est une façon de faire parmi d'autres ! Désolé, mais cela revient à dire :
Je ne veux pas.
Il y a une révolte, on ne croit pas ce que l'enseignant dit. On ne lui fait pas totalement confiance. Il insiste et nous énerve... en fait on se sent en insécurité car ce qu'on connait rassure, et là on a peur car on n'admet pas s'être trompé lors de toutes ces années de pratique, sur un exercice qu'on croyait connaître et maîtriser.
L' intellect n'a pas pu éviter d'impacter les 2 autre cerveaux, les émotions se déchaînent et le cerveau reptilien pense qu'il est menacé.
- 4e étape : la négociation.
Oui mais, certains font pas cela comme ça.. Pourquoi cette façon de faire serait mieux ?
On trouve tout un tas de discours parallèles pour mettre cette nouvelle façon de faire en question. On change de sujet, on trouve des contres exemples etc. Du genre : oui mais, dans certains cas ça s'applique pas. Néanmoins, on commence à imaginer que c'est peut-être comme cela qu'il faut faire.
Et si on faisait autrement ?
L'intellect reprend un peu le contrôle et tente de rassurer en cherchant un compromis.
On commence à envisager qu'on pourrait faire ainsi mais c'est encore trop "insécurisant".
L'intellect tente de réguler en laissant la porte ouverte au changement.
Dans les étapes précédente, la porte était fermée .... ici la porte du changement n'est toujours pas franchie mais, elle est ouverte.
- 5e étape : la tristesse
On admet que cette nouvelle façon de faire est meilleure, on regarde l'écart entre ce qu'on croyait savoir faire et ce qui est demandé. On trouve que c'est trop dur, hors de portée.
On se croyais fort et intelligent et on se voit faible et bête On se dit que :
On ne peut pas le faire.
On est au seuil de la porte mais on n'a aucune certitude qu'on va y arriver. On découvre un autre monde et on ne croit pas en soi, en sa capacité à vivre cette nouvelle façon d'être ou de faire. Les systèmes de contrôle de l'intellect ont échoué. On ne peut plus se cacher derrière le déni, la colère est partie, la négociation a échoué. Plus l'écart entre ce qu'on croyais être vrai et le nouveau monde est important, plus la souffrance est grande. Dans
certains cas, la tristesse se transforme en désespoir.
- 6e étape : l'expérimentation.
On aimerai le faire de cette façon, mais on ne sait pas comment. Alors je dis : expérimentez par vous même, essayez. Je démontre même comme je l'ai fait avec l'angle du Jo sur le premier mouvement de Raï Uchi pour prouver que si le bras n'est pas tendu, l'angle du Jo n'est pas de 45 ° et le partenaire peut nous repousser.
Oser essayer, se dire qu'on peut le faire et se prouver qu'effectivement c'est possible.
On peut le faire.
A condition d'avoir gardé une confiance en soi et en ses capacités. C'est là que l'autre est absolument nécessaire, qu'il doit être un soutien, qu'il doit encourager, qu'il doit mettre en évidence ce qui a été acquis. Oser c'est prendre des risques, c'est se dire qu'on peut y aller, c'est ce dire que l'expérience fait force de loi (robuste et reproductible).
Croire au résultat de l'expérience et pas se dire que c'est un coup de chance, un hasard heureux. Problème : dans le désespoir, il n'y a pas de place pour la confiance en soi.
- 7e étape : la décision.
Maintenant qu'on a expérimenté que c'était possible de faire “ honte ” comme cela, qu'on a vu que cela ne nous mettait pas en danger, on peut y croire.
Croire que cette façon de faire est mieux (croire en ce que dit le prof), croire qu'on peut le faire (croire en soi) alors on se dit qu'on y va, et on le fait différemment.
On s’efforce de garder sa concentration sur cela car c'est encore fragile, dès que l'esprit se relâche, il y a l'ancienne façon de faire qui risque de réapparaître.
Mais plus on fait ce nouveau “ honte ”, plus on prend confiance, plus on stabilise.
On l'a fait, et on peut le refaire !
Peut-être que c'est comme ça que se reconstruit la confiance en soi et donc en l'autre. Faire sans relâche la nouvelle façon, se dire qu'on est capable. Se dire que l'autre est là avec soi, pour expérimenter avec soi.
- 8e étape : l'intégration.
On fait “ honte ” la main devant le centre sans y penser. L'ancien schéma est effacé car remplacé par le nouveau.
On le fait systématiquement.
On reprend confiance en soi, en l'autre et dans la pratique elle même.

Le 29 février 2016 par D.CHABAUD Kyoshi 7e dan Jodo, 5e dan Iaïdo.

vendredi 18 mai 2018

Shizen ni


Shizen-ni.

Le sentiment de facilité et de simplicité naturelle mais martiale est une première perception ressentie lors d'un regard porté sur une démonstration réalisée par un senseï japonais. Cela semble couler de source, mais quand on s'essaie vraiment à tenter de copier pareille chose, on se rend vite compte que c'est très compliqué. Ne nous y trompons pas, un simple geste demande des années de perfectionnement pour une acquisition correcte. C'est pour cette raison que cela semble Shizen-ni ( naturel ).
Le discours verbal au sujet de l'acquisition de geste est souvent futile et généralement mal compris. Seules la pratique intensive et la réflexion personnelle permettent une réelle progression. Formuler avec des mots la profondeur d'un mouvement est une aberration occidentale et ne sert qu'à répondre idiotement au questionnement de l'élève ou pire, à satisfaire pompeusement l'égo du prof.
L'enracinement d'une séquence d'actions martiales dans le corps se fait essentiellement par la pratique, à l'image du forgeron qui travaille le métal pour lui donner la forme désirée. C'est la répétition des actions qui commence à marquer le corps, telle le marteau frappe l'acier pour le forger. Ensuite vient le meulage et polissage pour parfaire la matière brute dégagée. Précision et raffinement du geste sont alors exigés.
Outre la belle image du senseï qui nous est donnée, ce sont les remarques, suggestions, ou provocations verbales subies, qui vont créer une réflexion sur notre pratique et tendre à modifier notre ressenti sur nos propres actions. Pratiquer sans recevoir de corrections est inutile, mais sentir soi-même sa progression est nécessaire. Toute la difficulté est là, arriver à percevoir physiquement ce que l'on fait et découvrir ce qui est visible de ce que l'on fait.
Ce qui a créé le sentiment de naturel dans notre vision du senseï, c'est notre perception d'une logique évidente dans ces gestes. Cela correspondait à une réalité naturelle et s’inscrivait parfaitement dans ce cadre. Et pourtant, deux senseïs ne vont pas exécuter les mêmes gestes pour une action similaire. L'acte le plus naturel sera celui qui correspondra le mieux, à nos yeux, à une évidence. Donc, peu importe l'école que l'on pratique, le senseï que l'on suit, ce qui compte c'est l'aisance naturelle qui est développée.
Ce naturel (extraordinaire) est construit, élaboré, reconstitué, réapproprié physiquement par le pratiquant au fil des entraînements avec comme base les acquis (ordinaires) des anciens. Ce qui parait si magnifique à nos yeux, n'est que le quotidien en situation de combat et se témoigne principalement par une attitude sereine face à une situation critique. Le Shiseï est le fondement de la technique. Sans un Shiseï correct, impossible d'appliquer une réaction efficace à une agression. Le Shiseï crée la disponibilité spontanée du corps et de l'esprit.
Il n'y a aucun enseignement qui proviendrait du maître. Les gestes existent par eux mêmes, il suffit de les trouver et de les assembler. Tout l'art du senseï est de nous faire connaître leur existence et comprendre leur nécessité. La nature nous offre un réservoir immense où l'on peut puiser et se constituer. Le véritable artiste saura agencer ces différents éléments sans les déformer de manière à obtenir son attitude, la plus appropriée, la plus naturelle à une situation de stress intense.

mercredi 9 mai 2018

Mushotoku


Mushotoku.

Traduction : Sans but, sans intention, sans volonté.
Cela fait partie du Zen. Agir dans ce sens est très difficile pour nous. L'art du combat est de laisser l'esprit agir librement, sans fixation aucune.
Dès que la pensée se focalise sur une action ou réaction à faire, un jugement, une appréciation, l'esprit est perturbé car un décalage se produit par la volonté d'agir ou par la comparaison avec notre aptitude à réagir.
La pratique profonde ne s'aquiert qu'en travaillant, mais surtout en pouvant nous regarder en détail travailler. Polir notre technique c'est comme polir un miroir dans lequel on peut se voir. Jusqu'à faire disparaître notre image et le miroir. Alors il n'y a plus rien. Nous sommes ce que nous sommes, il faut l'accepter. Notre instinct primaire est notre intention, laissons le agir librement.
Pour cela, nous devons être présent avant l'intention. Percevoir l'intention nous permet de prendre un temps d'avance, qui est vraiment nécessaire, pour pouvoir agir correctement. Présent veut dire observateur attentif, mais pas passif.
L'action doit être unie à l'esprit. Si nous agissons, c'est naturellement, en un temps, sans réflexion, dans un mouvement instinctif. Cela ne peut venir qu'après un apprentissage parfait des technique de combat et aussi un pratique approfondie de la méditation Zen.
On n'est pas obligé pour cela de devenir religieux Bouddhiste, il suffit de comprendre certains préceptes qu'ils appliquent et de les mettre en pratique.
Contrôler son égo peut être l'outil le plus important pour améliorer son aptitude à agir sans volonté. Sur le Kyosaku (bâton de frappe) des moines est traditionnellement gravé l'inscription « Maku moso » ce qui être traduit par « pas d'illusion ». Si on frappe les épaules du moine avec ce bâton c'est pour lui rappeler qu'il faut se concentrer sur la profondeur de la pratique, sans cela pas de progrès possible.
On est toujours dans l'illusion de l'efficacité. Le but de mieux se contrôler, de mieux bouger, de mieux contrôler l'autre est un rêve utopique. Prendre du pouvoir sur les autres ou sur une situation est encore illusoire, bien que cela ne soit pas mauvais en soi, au contraire. L'égo, il en faut quand même un peu. Nous devons nous accorder de la valeur. Mais il ne faut pas en tirer de satisfaction, c'est juste un moment éphémère avant de passer à autre chose.
Notre ego n'a pas de consistance, mais c'est notre esprit qui tente par tous les moyens de justifier cet Ego et essaie de mettre en place des schémas d'action pour établir sa solidité. On se sent d'ailleurs particulièrement menacé par le sentiment de perte de contrôle de ces schémas et par la perte d'estime des autres. Nous devons prendre conscience de ce discours intérieur pour le combattre. La recherche d'une basse flatterie ou d'une confirmation de notre bon jugement est une activité préférée de l'esprit Ego. C'est aussi la source de tromperie de dupe, on en revient à l'utilité de l'expression « maku moso ».
Le véritable guerrier ne pense pas aux conséquences de la perte des biens matériels, de la famille ou des êtres chers. Il agit conscient de l'illusion des liens, de la fatalité de la séparation. Il n'y a rien à chercher, rien à terminer. Il pense juste à réagir calmement, sans chagrin, sans colère, en accomplissant son destin.
Lorsque l'esprit ne repose sur rien, le véritable esprit de guerrier apparaît.

Un nouveau blog

Le voilà, il vient tout juste d'éclore. Encore un peu frileux et fragile. Laissons lui le temps d'embellir, de grandir et d'arriver à maturité.
La forme d'écriture sera aussi modifiée, ce seront des articles plus courts, sans liens externes.
Les articles du blog précédent (Skynet blog) sont encore disponibles jusque fin mai, profitez en si vous voulez charger ou sauvegarder quelques pages.
Un petit site internet sera ouvert prochainement sur Google sites.

Voeux 2024