vendredi 18 mai 2018

Shizen ni


Shizen-ni.

Le sentiment de facilité et de simplicité naturelle mais martiale est une première perception ressentie lors d'un regard porté sur une démonstration réalisée par un senseï japonais. Cela semble couler de source, mais quand on s'essaie vraiment à tenter de copier pareille chose, on se rend vite compte que c'est très compliqué. Ne nous y trompons pas, un simple geste demande des années de perfectionnement pour une acquisition correcte. C'est pour cette raison que cela semble Shizen-ni ( naturel ).
Le discours verbal au sujet de l'acquisition de geste est souvent futile et généralement mal compris. Seules la pratique intensive et la réflexion personnelle permettent une réelle progression. Formuler avec des mots la profondeur d'un mouvement est une aberration occidentale et ne sert qu'à répondre idiotement au questionnement de l'élève ou pire, à satisfaire pompeusement l'égo du prof.
L'enracinement d'une séquence d'actions martiales dans le corps se fait essentiellement par la pratique, à l'image du forgeron qui travaille le métal pour lui donner la forme désirée. C'est la répétition des actions qui commence à marquer le corps, telle le marteau frappe l'acier pour le forger. Ensuite vient le meulage et polissage pour parfaire la matière brute dégagée. Précision et raffinement du geste sont alors exigés.
Outre la belle image du senseï qui nous est donnée, ce sont les remarques, suggestions, ou provocations verbales subies, qui vont créer une réflexion sur notre pratique et tendre à modifier notre ressenti sur nos propres actions. Pratiquer sans recevoir de corrections est inutile, mais sentir soi-même sa progression est nécessaire. Toute la difficulté est là, arriver à percevoir physiquement ce que l'on fait et découvrir ce qui est visible de ce que l'on fait.
Ce qui a créé le sentiment de naturel dans notre vision du senseï, c'est notre perception d'une logique évidente dans ces gestes. Cela correspondait à une réalité naturelle et s’inscrivait parfaitement dans ce cadre. Et pourtant, deux senseïs ne vont pas exécuter les mêmes gestes pour une action similaire. L'acte le plus naturel sera celui qui correspondra le mieux, à nos yeux, à une évidence. Donc, peu importe l'école que l'on pratique, le senseï que l'on suit, ce qui compte c'est l'aisance naturelle qui est développée.
Ce naturel (extraordinaire) est construit, élaboré, reconstitué, réapproprié physiquement par le pratiquant au fil des entraînements avec comme base les acquis (ordinaires) des anciens. Ce qui parait si magnifique à nos yeux, n'est que le quotidien en situation de combat et se témoigne principalement par une attitude sereine face à une situation critique. Le Shiseï est le fondement de la technique. Sans un Shiseï correct, impossible d'appliquer une réaction efficace à une agression. Le Shiseï crée la disponibilité spontanée du corps et de l'esprit.
Il n'y a aucun enseignement qui proviendrait du maître. Les gestes existent par eux mêmes, il suffit de les trouver et de les assembler. Tout l'art du senseï est de nous faire connaître leur existence et comprendre leur nécessité. La nature nous offre un réservoir immense où l'on peut puiser et se constituer. Le véritable artiste saura agencer ces différents éléments sans les déformer de manière à obtenir son attitude, la plus appropriée, la plus naturelle à une situation de stress intense.

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