Shizen-ni.
Le
sentiment de facilité et de simplicité naturelle mais martiale est
une première perception ressentie lors d'un regard porté sur une
démonstration réalisée par un senseï japonais. Cela semble couler
de source, mais quand on s'essaie vraiment à tenter de copier
pareille chose, on se rend vite compte que c'est très compliqué. Ne
nous y trompons pas, un simple geste demande des années de
perfectionnement pour une acquisition correcte. C'est pour cette
raison que cela semble Shizen-ni ( naturel ).
Le
discours verbal au sujet de l'acquisition de geste est souvent futile
et généralement mal compris. Seules la pratique intensive et la
réflexion personnelle permettent une réelle progression. Formuler
avec des mots la profondeur d'un mouvement est une aberration
occidentale et ne sert qu'à répondre idiotement au questionnement
de l'élève ou pire, à satisfaire pompeusement l'égo du prof.
L'enracinement
d'une séquence d'actions martiales dans le corps se fait
essentiellement par la pratique, à l'image du forgeron qui travaille
le métal pour lui donner la forme désirée. C'est la répétition
des actions qui commence à marquer le corps, telle le marteau frappe
l'acier pour le forger. Ensuite vient le meulage et polissage pour
parfaire la matière brute dégagée. Précision et raffinement du
geste sont alors exigés.
Outre
la belle image du senseï qui nous est donnée, ce sont les
remarques, suggestions, ou provocations verbales subies, qui vont
créer une réflexion sur notre pratique et tendre à modifier notre
ressenti sur nos propres actions. Pratiquer sans recevoir de
corrections est inutile, mais sentir soi-même sa progression est
nécessaire. Toute la difficulté est là, arriver à percevoir
physiquement ce que l'on fait et découvrir ce qui est visible de ce
que l'on fait.
Ce
qui a créé le sentiment de naturel dans notre vision du senseï,
c'est notre perception d'une logique évidente dans ces gestes. Cela
correspondait à une réalité naturelle et s’inscrivait
parfaitement dans ce cadre. Et pourtant, deux senseïs ne vont pas
exécuter les mêmes gestes pour une action similaire. L'acte le plus
naturel sera celui qui correspondra le mieux, à nos yeux, à une
évidence. Donc, peu importe l'école que l'on pratique, le senseï
que l'on suit, ce qui compte c'est l'aisance naturelle qui est
développée.
Ce
naturel (extraordinaire) est construit, élaboré, reconstitué,
réapproprié physiquement par le pratiquant au fil des entraînements
avec comme base les acquis (ordinaires) des anciens. Ce qui parait si
magnifique à nos yeux, n'est que le quotidien en situation de combat
et se témoigne principalement par une attitude sereine face à une
situation critique. Le Shiseï est le fondement de la technique. Sans
un Shiseï correct, impossible d'appliquer une réaction efficace à
une agression. Le Shiseï crée la disponibilité spontanée du corps
et de l'esprit.
Il
n'y a aucun enseignement qui proviendrait du maître. Les gestes
existent par eux mêmes, il suffit de les trouver et de les
assembler. Tout l'art du senseï est de nous faire connaître leur
existence et comprendre leur nécessité. La nature nous offre un
réservoir immense où l'on peut puiser et se constituer. Le
véritable artiste saura agencer ces différents éléments sans les
déformer de manière à obtenir son attitude, la plus appropriée,
la plus naturelle à une situation de stress intense.
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