mercredi 16 juin 2021

Slow attitude

 

Dojo Shidokan.


                            Slow attitude.


 



Planter une graine est rapide, la voir germer, grandir et devenir un végétal superbe demande du temps, de la patience et de la persévérance. Il faut savoir attendre et entretenir la jeune pousse, faire preuve de douceur, de confiance en la nature et en soi. Pour la pratique des arts martiaux, c'est pareil. A l'opposé de l'esprit ambiant du monde du travail qui demande instantanément, performance, rapidité et efficacité, la pratique martiale ne peut se concrétiser positivement de cette façon. Il faut s'accorder du temps, de la douceur, encore et toujours plus de patience.

L'éloge de la lenteur, c'est l'esprit du Taï Chi Chuan.

A l'image du Taï Chi, la culture de la lenteur permet la correction de la posture et de détailler, en les contrôlant, tous les mouvements des articulations. Se donner le temps de se voir pratiquer, de se sentir bouger est essentiel pour la progression. Exécuter un kihon ou un kata au ralenti est un moyen intéressant d'étudier et de percevoir le geste, de prendre attention à soi et se mettre en confiance. Sentir la trajectoire idéale et la perfection du geste demande un travail de réflexion fin et délicat. C'est par la lenteur que l'on développe la rapidité et la spontanéité. Ce que l'on peut faire lentement parfaitement, on peut le faire rapidement avec efficacité. Mais pas l'inverse.

Faire des gestes lents et réfléchis permet aussi d'avoir une meilleure écoute de soi, de sentir son corps, de se respecter, de prendre le temps d'analyser nos sensations pour sentir ce qui est bon pour nous. Chaque morphologie a ses aptitudes propres, ses défauts et ses facilités. C'est de l'ordre de l'intimité personnelle et le professeur ne peut pas y accéder facilement. Le travail sur soi est important et même aussi important que l'enseignement du professeur, qui, en réalité, n'est là que pour faciliter notre découverte de nous-même.


Prendre le temps de l'observation de ce qui se passe en nous et l'attention aux divers désagréments de postures ou de tensions musculaires permet d'améliorer le confort de pratique bien sûr, mais aussi d'optimiser le geste. L'effort n'est pas toujours la meilleure façon d'agir. Le naturel permet l'économie d'énergie et augmente la spontanéité du geste. La fatigue physique et psychique diminue et la pratique martiale améliore ainsi la vie de chaque instant du pratiquant en favorisant cette recherche d'économie de vitalité pour la placer dans un potentiel d'action beaucoup plus vaste.


La présence d'esprit durant la pratique demande une connexion à notre environnement aussi, pas seulement à notre corps. Il faut pouvoir éliminer les pensées parasites tout autant que les gestes. Celles qui nous bloquent ou nous freinent. Les jugements puérils ou négatifs, la volonté de trop bien faire. Ralentir le rythme permet de calmer ces ardeurs néfastes pour se recentrer sur l'essentiel. Nous devons prendre le temps de nous rendre compte de nos blocages en méditant continuellement pendant le travail. Pouvoir sentir ces petits blocages et les situer précisément, pour pouvoir les éliminer petit à petit et enfin continuer à progresser. Cette méditation permanente pendant la pratique demande une concentration totale, de l'application à maintenir l'esprit éveillé, de l'implication mentale à gommer les parasites qui nous assaillent et surtout du temps pour pouvoir recommencer et corriger calmement.


La modération de l'impatience nous ouvre un éventail de possibilités bénéfiques pour notre vie quotidienne, favorise l'écoute de soi et surtout des autres. La lenteur oblige la correction et favorise la remise en question de nos gestes. Elle nous permet d'obtenir un bon centrage du corps et un bon équilibre corporel dans chaque action, mais elle demande aussi du temps à libérer dans notre esprit et une attention à sa santé physique. Le moindre petit défaut d'une articulation ou de la musculature peut être ressenti. Cette méditation permanente sur l'efficacité de notre corps nous permet d'obtenir le geste efficace et naturel pour nous-même. Celui qui nous convient et que nous allons adopter jusqu'à une prochaine remise en question en vue d'encore améliorer notre potentiel. La recherche n'a pas de fin et se caractérise par une soif de perfection qui peut paraître inutile ou futile mais qui défini l'humain qui désire devenir meilleur, non pas pour dominer les autres, mais pour les aider eux-mêmes, par l'exemple, à devenir meilleurs.

Note de l'auteur : Après plus de trente années de pratique martiale, mettre ma patience à l'épreuve est toujours un défi quotidien. ; )



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