mardi 14 avril 2020

Sutemi


Dojo Shidokan.

Sutemi, l'esprit de sacrifice.

Sutemi, c'est communément traduit par sacrifice ou abandon du corps, mais pour les orientaux la pensée est bien plus profonde. C'est plus proche de « jeter la graine ». Cela reflète un peu mieux ce que l'on veut exprimer par Sutemi. L'origine de cette pensée vient d'un poème qui décrit une châtaigne emportée par la tempête. Si l'amande (graine ou partie la plus lourde) est abandonnée, la coque peut flotter librement dans le courant. Voilà bien l'image dévoilée. Pour sauver sa vie il faut garder l'esprit détaché et ne pas se préoccuper des conséquences. On peut pousser la réflexion plus loin et se dire que pour sauver l'enveloppe, on doit pouvoir sacrifier l'origine, le plus important. Il ne s'agit donc pas d'une forme de suicide, mais bien d'une façon de vivre et aussi survivre face au danger de mort.
Mushin est l'esprit sans contraintes, libre de jugements, d'intentions, de désirs, de but à atteindre. Sutemi et Mushin, sont indissociables et indispensables dans l'étude approfondie de la voie du sabre. Ils permettent une juste compréhension de l'esprit du sabre et de la finalité de la victoire sans dégainer. C'est l'ultime perfectionnement après l'acquisition de la technique pure et de l'esprit fort. Maintenant il faut tout oublier, tout effacer, même soi-même.
Le vrai guerrier en face de la mort ne dépend plus de rien, il s'oublie lui-même, libre de gagner ou de perdre. Il ne pense plus qu'à combattre pour son honneur. Sa volonté d'accomplir sa tâche est telle qu'il oublie sa propre existence, sa douleur, son présent, son passé. Il ne pense plus qu'à l'instant à venir. Voilà le vrai esprit du sabre. Il ne faut pas user de tromperie ou de ruse facilement déjouable, il faut être droit et sincère. Ne peut être saisi que celui qui donne quelque chose à saisir. Si rien n'est offert, rien ne peut être pris. Agir sans intention, sans artifice, sans but est la voie de la sagesse et permet l'action libre du Ki et de l'esprit unifiés. Libre ne veut pas dire vide. La liberté vient de ne pas accumuler de pensée, de ne pas figer l'esprit et le corps. Si l'action ne s'appuie sur rien, mais vient de l'instinct, de l'inconscient, il n'y a pas de traces, pas d'appui, rien qui permette une quelconque anticipation ou contre attaque.
Si l'esprit ne se fixe pas sur notre environnement, ce voisinage fait partie de notre monde, notre ennemi potentiel n'en est plus un et fait ainsi partie des Shizen Gensho (phénomènes naturels). Nous y réagissons instinctivement comme notre œil réagit à la lumière ou comme notre système immunitaire aux virus. Mais un simple grain de poussière peut perturber notre vision, comme un simple jugement (sympathie ou antipathie) peut impressionner notre pensée. Vivre au quotidien Sutemi est l'art du parfait samouraï. S'investir totalement dans l'action, savoir attendre le moment propice, s'abandonner entièrement à l'action, donne une plénitude de vie naturelle, sans regrets.
Méditez et cherchez en vous-même. Le professeur ne peut vous aider pour tout et est incapable d'intégrer pour vous. Seul vous-même pouvez découvrir ce qui est en vous depuis toujours et pouvez intégrer parfaitement les corrections. Le professeur se bornera toujours à donner des indications, des orientations, mais le secret est en vous. Même l'enseignement dit « caché » ne vous dévoilera rien de plus que ce que vous connaissiez déjà sans le savoir. Le vrai sens de l'enseignement est de suggérer une approche, de poser un questionnement, de permettre une réflexion, d'ouvrir l'esprit, mais surtout, de ne rien imposer.

Voeux 2024