Dojo
Shidokan.
Lettre de Sasaki Doyo
Basara.
L'histoire
de ce mot japonais révèle qu'il est utilisé au début du
quatorzième siècle pour définir l'aspect extravagant de certaines
personnes appelées aussi Akuto (vauriens). Ce sont souvent des
samouraïs insoumis et contestataires du règne des Shoguns de
Kamakura. Le régime shogunal après les guerres mongoles a dépensé
une fortune pour sa défense et de plus a agrandi son territoire.
Mais il n'arrive plus à récompenser tous ses vassaux et provoque
ainsi beaucoup de mécontentements auprès de cette classe guerrière.
Des petits groupes de vagabonds armés vivent cachés dans les bois
de vols et rapines. Terroriser les riches monastères et les
fonctionnaires récolteurs d'impôts est leur passe temps favori.
Leur allure insolite, vêtements aux couleurs voyantes, armes
rouillées, comportement violent et grossier, est en discordance
complète avec le modèle traditionnel des samouraïs. En wallon, on
pourrait traduire Basara par Baraqui.
L'accroissement
des effectifs de ces bandes armées basara et l'amélioration des
techniques d'embuscades provoquera petit à petit l'insécurité
complète dans plusieurs provinces de l'empire du Japon. Ils
s'opposent ainsi aux pouvoirs des puissants daimyos mais aussi
monastères et commencent à construire des camps retranchés secrets
dans les montagnes pour se protéger. Quelques années plus tard, des
seigneurs samouraï basara issus du brigandage ont un tel pouvoir que
les Shoguns doivent chercher à s'allier avec eux pour maintenir la
stabilité de leur domination ou sont condamnés à s'engager dans
des luttes difficiles pour combattre ces guerriers inaccessibles.
Cette instabilité grandissante provoquera des bouleversements
d'alliance et l'arrivée de la lignée des shoguns Ashikaga
remplaçant les Minamoto.
Cependant
les seigneurs samouraïs basara maintiendront leurs mauvaises
habitudes contestataires et dépravées malgré leur montée en
influence sociale. Indispensables au maintien de la stabilité et de
la sécurité régionale, on les retrouvera rapidement au premier
plan des vassaux des puissants Shoguns. Scandaleusement
indécrottables, ils vont créer les premiers mouvements de mode
vestimentaire originale et un brin provocante au sein même de la
cour du Shogun. Tout ce qui pouvait être choquant sera mis en place
pour montrer son détachement aux valeurs traditionnelles et
religieuses, une véritable contestation des pouvoirs politiques de
l'époque. Il faut dire que ces pouvoirs avaient mis une telle
pression fiscale sur la population que la révolte était prévisible.
Sasaki
Doyo (1306-1373) est un de ces samouraïs basara, esthète et amateur
de théâtre et de poésie, de l'art de thé et des fleurs, son
apparence tapageuse cachait un goût artistique prononcé. Le
Taiheiki nous raconte ses aventures burlesques faites de farces
fantaisistes et de diverses provocations à l'égard des personnes
qu'il détestait. Son comportement colérique et grossier lui
provoquera beaucoup de problèmes mais il saura toujours se tirer du
mauvais pas dans lequel il s'était mis grâce à son esprit cultivé
et ses goûts artistiques qui lui permettaient de maintenir des liens
d'amitié avec des personnes influentes.
Ce
comportement étrange frisant le mauvais goût est révélateur d'un
profond mouvement libertaire de société moderne reposant sur
des formes de sociabilité nouvelles en opposition directe avec
celles du japon médiéval faites de règles de soumission
extrêmement codifiées. L'éveil artistique devient aussi important
que l'art militaire. Le culte de la personne remplace celui du
seigneur ou du dieu.