lundi 15 juin 2020

Mushin


Dojo Shidokan.

Mushin et Tao.


L'esprit vide. Mizu no kokoro, l'esprit comme l'eau. Si l'esprit est calme, l'eau plane qui le représente offre un reflet lisse, comme un miroir parfait, au rayon de lune. Cette image est souvent employée pour montrer l'esprit paisible du samouraï avant le combat, dès le 16e siècle au Japon féodal. Les moines apprennent aux guerriers à ne pas focaliser leur esprit, mais aussi à le rendre disponible dans le calme pour attendre sereinement le dernier moment en réaction opportune et efficace à toute agression.
L'esprit libre de toute pensée, de jugement exprime un état de vigilance et d'écoute à nos sens en éveil. L'interprétation des sensations perçues est ainsi pure et sans faille, immédiate et juste. La réaction instinctive est activée instantanément à cette perception. Des réflexes corporels non conscients anticipés peuvent même être produits avant toute perception pensée.
Ce précepte Mushin est issu du Taoïsme. C'est plus une philosophie de vie qu'une religion, la croyance en l'inutilité, garante de longévité, l'esprit libre dans la voie de la nature et du cosmos. Ce mode de vie proche de la nature, égalitaire, sans jugement, sans idée préconçue, sans qualité apparente, sans hiérarchie établie, n'est pas une inactivité inefficace mais, au contraire, une nourriture indispensable qui vise à rendre le corps et l'esprit disponibles et ouverts à tout. Le taoïste propose une sagesse de la fluidité, de la souplesse,du mouvement qui vise à être en harmonie avec le foisonnement de la vie.
La plénitude du vide est un paradoxe fondamental du Taoïsme. Cette apparente opposition de termes est volontairement employée pour briser la pensée conventionnelle, casser le sens des mots, créer un intérêt à ce mystère philosophique. L’interprétation des textes taoïstes anciens est très difficile et infiniment variable, vu les nombreuses formes possibles d'images suggérées par ces écrits gravés sur bois. Ces énigmes ne doivent pas se borner aux mots du vocabulaire moderne.
La pratique Taoïste est traditionnellement liée à des excès ascétiques pour rendre l'esprit libre, jeûnes prolongés, nourriture végétale, mortifications, exclusion de pratique sexuelle, résistance à l'alcool et aux drogues, respiration en longues apnées, gymnastique contorsionniste. Bref, des formes de nourriture du corps et de l'esprit visant à régénérer, transformer et même tendre à immortaliser le pratiquant.
Mais en dehors de ces exagérations de quelques adeptes visionnaires, la vie simple et authentique, en accord avec l'environnement, le quiétisme naturel sont les aliments essentiels de l'insouciante maîtrise corporelle acquise par le Taoïsme.
Laisser libre court aux actions spontanées est l'aboutissement de Mushin et de l'esprit Tao. C'est par cette voie humble et simple que le guerrier, en quête de perfection, peut acquérir la maîtrise de son art. Plus l'homme pense à être le plus efficace et à être le meilleur, moins il est en contact avec le réel. Les gestes et les réflexes instinctifs qui y sont liés doivent venir naturellement, sans artifice.


Voeux 2024