Comprendre
les choses est absolument nécessaire,
mais
est-ce suffisant ?
Il
y a toujours trois cerveaux en nous et la compréhension
intellectuelle n'en concerne
qu'un...
Celui-ci fonctionne rapidement mais a-t-il un impact immédiat sur
les autres ?
Quand
on voit comment il est difficile de corriger un geste simple comme “
Honte, le premier kihon du sete jo ” , alors qu' il a été répété
un grand nombre de fois qu'il faut avoir la main devant le centre
.... Comment expliquer une telle réticence ? Est-ce que nous sommes
tous fous ou stupides, rigides ou ..... Pourquoi est-ce si difficile
de changer notre façon de faire ? Pourquoi cela touche-t-il tous les
individus et prend autant de temps, alors même que la personne peut
être de bonne foi ? Je trouve cela intéressant à plusieurs titres.
Tout d'abord car ça touche le problème de l'apprentissage, de la
transmission, de
la
confiance en soi et celle donnée à l'enseignant. J'ai cherché dans
les méthodes scientifiques modernes et voilà ce que j'ai pu
trouver.
-
1ère
étape : Le choc
de l'observation.
J'explique
donc la façon de bien faire “ honte ” et on compare alors avec
la façon de le faire habituellement. On croyait le faire
correctement et force est de constater que non.
Constat
= choc
Souvent
on s'arrête là. On ne veut pas voir ou observer même le nez devant
les vidéos, on ne voit pas l'évidence. Peut-être même que
l'évidence n'est pas visible à ce stade de compréhension ?
-
2e
étape : Le déni.
On
se dit que c'est une façon d'expliquer, une méthode pédagogique,
un exercice pour faire comprendre mais qu'en fait ce n'est pas comme
ça qu'il faut faire... le prof exagère pour faire comprendre autre
chose. Il y a des réflexion du genre : c'est un éducatif, c'est pas
tout à fait ce qu'il faut faire au final.
Ce
n'est pas possible !
On
n'y croit pas. L’intellect invente toute une stratégie comme s'il
voulait "protéger" les 2 autres cerveaux. L’intellect
est-il conçu comme un garde fou, une sorte de filtre pour ne pas
trop impacter les émotions (mammalien ) et les réflexes de survie
(reptilien ) ?
-
3e étape :
la
colère.
J'insiste,
je reviens sur la main devant le centre. Mais Il y a un refus du
genre : pas tous les Sensei font comme ça ! Pourquoi lui aurait il
raison ? C'est une façon de faire parmi d'autres ! Désolé, mais
cela revient à dire :
Je
ne veux pas.
Il
y a une révolte, on ne croit pas ce que l'enseignant dit. On ne lui
fait pas totalement confiance. Il insiste et nous énerve... en fait
on se sent en insécurité car ce qu'on connait rassure, et là on a
peur car on n'admet pas s'être trompé lors de toutes ces années de
pratique, sur un exercice qu'on croyait connaître et maîtriser.
L'
intellect n'a pas pu éviter d'impacter les 2 autre cerveaux, les
émotions se déchaînent et le cerveau reptilien pense qu'il est
menacé.
-
4e étape :
la
négociation.
Oui
mais, certains font pas cela comme ça.. Pourquoi cette façon de
faire serait mieux ?
On
trouve tout un tas de discours parallèles pour mettre cette nouvelle
façon de faire en question. On change de sujet, on trouve des
contres exemples etc. Du genre : oui mais, dans certains cas ça
s'applique pas. Néanmoins, on commence à imaginer que c'est
peut-être comme cela qu'il faut faire.
Et
si on faisait autrement ?
L'intellect
reprend un peu le contrôle et tente de rassurer en cherchant un
compromis.
On
commence à envisager qu'on pourrait faire ainsi mais c'est encore
trop "insécurisant".
L'intellect
tente de réguler en laissant la porte ouverte au changement.
Dans
les étapes précédente, la porte était fermée .... ici la porte
du changement n'est toujours pas franchie mais, elle est ouverte.
-
5e étape :
la
tristesse
On
admet que cette nouvelle façon de faire est meilleure, on regarde
l'écart entre ce qu'on croyait savoir faire et ce qui est demandé.
On trouve que c'est trop dur, hors de portée.
On
se croyais fort et intelligent et on se voit faible et bête On se
dit que :
On
ne peut pas le faire.
On
est au seuil de la porte mais on n'a aucune certitude qu'on va y
arriver. On découvre un autre monde et on ne croit pas en soi, en sa
capacité à vivre cette nouvelle façon d'être ou de faire. Les
systèmes de contrôle de l'intellect ont échoué. On ne peut plus
se cacher derrière le déni, la colère est partie, la négociation
a échoué. Plus l'écart entre ce qu'on croyais être vrai et le
nouveau monde est important, plus la souffrance est grande. Dans
certains
cas, la tristesse se transforme en désespoir.
-
6e étape :
l'expérimentation.
On
aimerai le faire de cette façon, mais on ne sait pas comment. Alors
je dis : expérimentez par vous même, essayez. Je démontre même
comme je l'ai fait avec l'angle du Jo sur le premier mouvement de Raï
Uchi pour prouver que si le bras n'est pas tendu, l'angle du Jo n'est
pas de 45 ° et le partenaire peut nous repousser.
Oser
essayer, se dire qu'on peut le faire et se prouver qu'effectivement
c'est possible.
On
peut le faire.
A
condition d'avoir gardé une confiance en soi et en ses capacités.
C'est là que l'autre est absolument nécessaire, qu'il doit être un
soutien, qu'il doit encourager, qu'il doit mettre en évidence ce qui
a été acquis. Oser c'est prendre des risques, c'est se dire qu'on
peut y aller, c'est ce dire que l'expérience fait force de loi
(robuste et reproductible).
Croire
au résultat de l'expérience et pas se dire que c'est un coup de
chance, un hasard heureux. Problème : dans le désespoir, il n'y a
pas de place pour la confiance en soi.
-
7e étape : la
décision.
Maintenant
qu'on a expérimenté que c'était possible de faire “ honte ”
comme cela, qu'on a vu que cela ne nous mettait pas en danger, on
peut y croire.
Croire
que cette façon de faire est mieux (croire en ce que dit le prof),
croire qu'on peut le faire (croire en soi) alors on se dit qu'on y
va, et on le fait différemment.
On
s’efforce de garder sa concentration sur cela car c'est encore
fragile, dès que l'esprit se relâche, il y a l'ancienne façon de
faire qui risque de réapparaître.
Mais
plus on fait ce nouveau “ honte ”, plus on prend confiance, plus
on stabilise.
On
l'a fait, et on peut le refaire !
Peut-être
que c'est comme ça que se reconstruit la confiance en soi et donc en
l'autre. Faire sans relâche la nouvelle façon, se dire qu'on est
capable. Se dire que l'autre est là avec soi, pour expérimenter
avec soi.
-
8e étape :
l'intégration.
On
fait “ honte ” la main devant le centre sans y penser. L'ancien
schéma est effacé car remplacé par le nouveau.
On
le fait systématiquement.
On
reprend confiance en soi, en l'autre et dans la pratique elle même.
Le
29 février 2016 par D.CHABAUD
Kyoshi
7e dan Jodo, 5e dan Iaïdo.
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