mercredi 6 juin 2018

Chiba Senseï


Considérations sur l’art du Iaido

Par T.K. CHIBA Sensei
8e dan Aikido Shihan
Sansho: The Journal of the United States Aikido Federation - Volume 4 No. 1: Spring 1986

T.K. Chiba Sensei (5/2/1940-5/6/2015) l’un des derniers élèves de O’Sensei Morihei Ueshiba
(fondateur de l’Aikido) disait que l’Aikido reposait sur deux roues, Le Sabre et le Zen.
Lui-même moine Zen et redoutable guerrier sur le tatami, il pratiquait une forme très épurée de
Iaido apprise auprès de Takeshi Mitsuzuka Sensei, lui-même élève de Nakayama Hakudo Sensei,
refondateur du Muso Shinden Ryu.

Considérations sur l’art du Iaido

De plus en plus, alors que l'Aikido devient de plus en plus informe et sans racines, il semble animé
par l'irrésistible idée d'expression libre et se retrouve piégé par le désir de l'individualisme. Comme cela se produit, je trouve que mon coeur penche d’avantage vers l'art du Iaido qui me donne un plus grand sens de la purification dans le rituel. Mon intérêt pour le Iaido réside uniquement dans les formes classiques (koryu) et non pas dans celles qui ont été modifiées dans la période actuelle. Je suis en désaccord avec la tendance moderne de l'art tel qu’il est pratiqué largement dans le Japon d'aujourd'hui, avec sa mentalité qui mène à une pratique devenue de plus en plus compétitive et théâtrale.
J’ai toujours conduit ma pratique du Iaido en parallèle avec ma formation en Zen. Il y a un lien fort
entre les deux disciplines en particulier en ce qui concerne l'immobilité et le mouvement, la vie et la mort, la concentration et la libération de soi-même qui représentent les questions fondamentales qu’il me reste à résoudre au sein de ma propre quête dans la pratique des arts martiaux comme mode de vie. Toutefois, en ce moment je suis particulièrement attiré par cet aspect de l’entraînement au Iaido où mon expérience va au delà de l'explication. Toute forme d'expression humaine, que ce soit le mouvement, le son, l'écriture, les mots, même le silence, est seulement une parcelle de ce qui se cache vraiment sous cette expérience.
Cependant, je suis toujours connecté à cet espace illimité où chaque expression de l'homme trouve sa racine absolue. Plus je mets d'effort dans l’accomplissement de mes formes plus je me sens divisé, ce qui, paradoxalement, me conduit à une plus grande conscience de ce qui sous-tend mon geste et mon effort délibéré.
On dit que le principe du Iaido est : « Saya no uchi - no kachi » ce qui se traduit littéralement
par « la victoire à l'intérieur du fourreau » ou « la victoire avant que la lame ne soit tirée du
fourreau ». Cela signifie que l'essence du Iaido doit être trouvée dans le moment de tranquillité
avant que le mouvement ait commencé. En d'autres termes, dans la mise en oeuvre du mouvement
physique et non pas dans le mouvement physique lui-même.
Qu'est-ce que cela signifie pour moi ?
En Iaido, chaque fois que je tire mon sabre, je fais face à la frontière entre la vie et la mort,
à chaque instant avant que le sabre ne quitte le fourreau; Et, que cela soit bon ou mauvais, je laisse
aller à son terme. Dans chaque action réside toute une vie, émergeant du «vide», respirant jusqu’à
son terme, mourant et retournant au «vide». Il ne peut y avoir d’échappatoire, de trucs, d'excuses au
fait que la vie soit la même pour chaque être. Au moment où la lame quitte le fourreau, je vais mourir, le monde entier va mourir, car sans la mort il n'y a pas de purification.
Qui a appelé le premier les arts martiaux arts de légitime défense ?
La signification spirituelle dans le Iaido classique, par exemple dans Shoden (Omori Ryu) se trouve dans Junto, dans lequel on apprend le comportement rituel de seconder une personne lors de son auto-destruction consciente (Seppuku). La force du Iaido classique réside dans cette forme, celui qui l’apprend, à tuer, est aussi celui qui va la recevoir, la mort, quelque soit la situation et à un moment donné. Et cette base éthique profonde ne se retrouve dans aucun autre art de combat qui existe aujourd'hui.
Il est souvent dit que le Iaido traite avec un ennemi imaginaire, peut-être est-ce le cas, cependant
qu’y a-t-il de plus réel que de retourner la lame vers soi-même, à chaque dégainement et
réalisation ? Après tout, qu’est donc Bouddha sans moi ?
L'art du Iaido, son essence, ainsi que sa profonde jouissance, ne peut être séparé du fait
que nous utilisons le sabre japonais pour nous entraîner. Plus on s’approche du coeur du Iaido, plus
on apprécie la beauté, la puissance et la fonction du sabre particulier qui est utilisé. L’« instrument
du divin » ou « l'âme du Bushi » (Samourai), comme on l’a nommé tout au long de l'histoire du Japon, porte une signification spirituelle pour ceux qui l’ont conservé précieusement. Il n’était pas
seulement une arme de combat mais était plutôt un symbole de la dignité avec laquelle le guerrier
détenait la vie et la mort.
Le Bushido (la voie du guerrier) symbolisait également la vertu d’un mode de vie martiale
dans lequel sagesse et pouvoir de décision étaient son essence propre. Le geste (acte, fonction) de
« coupe » qui est la raison d’être ultime du sabre japonais, est symbolisé par son pouvoir de distinguer et de juger le faux du juste, ce qui est destructeur de ce qui est constructif, en là repose sa sagesse. Cependant, la sagesse seule n'a aucune valeur à moins qu’elle ne soit mise en pratique et
c’est là où le pouvoir de décision est essentiel pour la mener à bien.
En général, en tant que conclusion de ce court article, les personnes qui utilisent une lame
d'imitation pour leur entraînement de Iaido peuvent apprendre la forme correctement, mais leur progression aura tendance à se limiter à un développement visuel et superficiel. Je conseille aux étudiants que la véritable progression en Iaido, sans aucune exception, réside dans le sabre qui est
utilisé pendant l’entraînement. C’est ma ferme opinion que même le sabre qui a été conservé précieusement pendant des siècles ne doit pas être laissé à l’abandon mais utilisé, car l'esprit du sabre est une seule et même chose que la personne qui l'utilise.

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