Considérations
sur l’art du Iaido
Par
T.K. CHIBA Sensei
8e
dan Aikido Shihan
Sansho:
The Journal of the United States Aikido Federation - Volume 4 No. 1:
Spring 1986
T.K.
Chiba Sensei (5/2/1940-5/6/2015) l’un des derniers élèves de
O’Sensei Morihei Ueshiba
(fondateur
de l’Aikido) disait que l’Aikido reposait sur deux roues, Le
Sabre et le Zen.
Lui-même
moine Zen et redoutable guerrier sur le tatami, il pratiquait une
forme très épurée de
Iaido
apprise auprès de Takeshi Mitsuzuka Sensei, lui-même élève de
Nakayama Hakudo Sensei,
refondateur
du Muso Shinden Ryu.
Considérations
sur l’art du Iaido
De
plus en plus, alors que l'Aikido devient de plus en plus informe et
sans racines, il semble animé
par
l'irrésistible idée d'expression libre et se retrouve piégé par
le désir de l'individualisme. Comme cela se produit, je trouve que
mon coeur penche d’avantage vers l'art du Iaido qui me donne un
plus grand sens de la purification dans le rituel. Mon intérêt pour
le Iaido réside uniquement dans les formes classiques (koryu) et non
pas dans celles qui ont été modifiées dans la période actuelle.
Je suis en désaccord avec la tendance moderne de l'art tel qu’il
est pratiqué largement dans le Japon d'aujourd'hui, avec sa
mentalité qui mène à une pratique devenue de plus en plus
compétitive et théâtrale.
J’ai
toujours conduit ma pratique du Iaido en parallèle avec ma formation
en Zen. Il y a un lien fort
entre
les deux disciplines en particulier en ce qui concerne l'immobilité
et le mouvement, la vie et la mort, la concentration et la libération
de soi-même qui représentent les questions fondamentales qu’il me
reste à résoudre au sein de ma propre quête dans la pratique des
arts martiaux comme mode de vie. Toutefois, en ce moment je suis
particulièrement attiré par cet aspect de l’entraînement au
Iaido où mon expérience va au delà de l'explication. Toute forme
d'expression humaine, que ce soit le mouvement, le son, l'écriture,
les mots, même le silence, est seulement une parcelle de ce qui se
cache vraiment sous cette expérience.
Cependant,
je suis toujours connecté à cet espace illimité où chaque
expression de l'homme trouve sa racine absolue. Plus je mets d'effort
dans l’accomplissement
de mes formes plus je me sens divisé, ce qui, paradoxalement, me
conduit à une plus grande conscience de ce qui sous-tend mon geste
et mon effort délibéré.
On
dit que le principe du Iaido est : « Saya no uchi - no kachi » ce
qui se traduit littéralement
par
« la victoire à l'intérieur du fourreau » ou « la victoire avant
que la lame ne soit tirée du
fourreau
». Cela signifie que l'essence du Iaido doit être trouvée dans le
moment de tranquillité
avant
que le mouvement ait commencé. En d'autres termes, dans la mise en
oeuvre du mouvement
physique
et non pas dans le mouvement physique lui-même.
Qu'est-ce
que cela signifie pour moi ?
En
Iaido, chaque fois que je tire mon sabre, je fais face à la
frontière entre la vie et la mort,
à
chaque instant avant que le sabre ne quitte le fourreau; Et, que cela
soit bon ou mauvais, je laisse
aller
à son terme. Dans chaque action réside toute une vie, émergeant du
«vide», respirant jusqu’à
son
terme, mourant et retournant au «vide». Il ne peut y avoir
d’échappatoire, de trucs, d'excuses au
fait
que la vie soit la même pour chaque être. Au moment où la lame
quitte le fourreau, je vais mourir, le monde entier va mourir, car
sans la mort il n'y a pas de purification.
Qui
a appelé le premier les arts martiaux arts de légitime défense ?
La
signification spirituelle dans le Iaido classique, par exemple dans
Shoden (Omori Ryu) se trouve dans Junto, dans lequel on apprend le
comportement rituel de seconder une personne lors de son
auto-destruction consciente (Seppuku). La force du Iaido classique
réside dans cette forme, celui qui l’apprend, à tuer, est aussi
celui qui va la recevoir, la mort, quelque soit la situation et à un
moment donné. Et cette base éthique profonde ne se retrouve dans
aucun autre art de combat qui existe aujourd'hui.
Il
est souvent dit que le Iaido traite avec un ennemi imaginaire,
peut-être est-ce le cas, cependant
qu’y
a-t-il de plus réel que de retourner la lame vers soi-même, à
chaque dégainement et
réalisation
? Après tout, qu’est donc Bouddha sans moi ?
L'art
du Iaido, son essence, ainsi que sa profonde jouissance, ne peut être
séparé du fait
que
nous utilisons le sabre japonais pour nous entraîner. Plus on
s’approche du coeur du Iaido, plus
on
apprécie la beauté, la puissance et la fonction du sabre
particulier qui est utilisé. L’« instrument
du
divin » ou « l'âme du Bushi » (Samourai), comme on l’a nommé
tout au long de l'histoire du Japon, porte une signification
spirituelle pour ceux qui l’ont conservé précieusement. Il
n’était pas
seulement
une arme de combat mais était plutôt un symbole de la dignité avec
laquelle le guerrier
détenait
la vie et la mort.
Le
Bushido (la voie du guerrier) symbolisait également la vertu d’un
mode de vie martiale
dans
lequel sagesse et pouvoir de décision étaient son essence propre.
Le geste (acte, fonction) de
«
coupe » qui est la raison d’être ultime du sabre japonais, est
symbolisé par son pouvoir de distinguer et de juger le faux du
juste, ce qui est destructeur de ce qui est constructif, en là
repose sa sagesse. Cependant, la sagesse seule n'a aucune valeur à
moins qu’elle ne soit mise en pratique et
c’est
là où le pouvoir de décision est essentiel pour la mener à bien.
En
général, en tant que conclusion de ce court article, les personnes
qui utilisent une lame
d'imitation
pour leur entraînement de Iaido peuvent apprendre la forme
correctement, mais leur progression aura tendance à se limiter à un
développement visuel et superficiel. Je conseille aux étudiants que
la véritable progression en Iaido, sans aucune exception, réside
dans le sabre qui est
utilisé
pendant l’entraînement. C’est ma ferme opinion que même le
sabre qui a été conservé précieusement pendant des siècles ne
doit pas être laissé à l’abandon mais utilisé, car l'esprit du
sabre est une seule et même chose que la personne qui l'utilise.
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